Des playlists musicales futées pour Liquidsoap avec Beets

Mise à jour: voyez plutôt la deuxième version de cet article

Dans le premier épisode nous avions créé un automate radio basique, qui piochait la musique dans certains répertoires. C'est un bon début mais ce serait plus pratique de ne pas avoir à pre-sélectionner par répertoires : même avec des sous-répertoires on peut se retrouver dupliquer certains titres, et changer d'avis sur le rangement sera compliqué après en avoir ajouté 1000. Il faudrait plutôt une librairie musicale à notre radio : quelque chose qui répertorie les titres et soit capable d'en sortir une sélection sur n'importe quels critères.

Dans cet article on va s'intéresser à Beets, qui est un logiciel (en ligne de commande, encore !) de gestion de bibliothèque musicale. Il permet de ranger les fichiers par artiste/album et il vérifie les tags : c'est le meilleur ami de votre discothèque.

Cet article va s'intéresser à l'intégration avec Liquidsoap. Beets est déjà documenté et pas très long à installer (voir ici). Il peut être long à comprendre et alimenter, c'est vrai. Pour vite passer à la suite (et surtout si vos fichiers sont déjà bien taggés) lancez beet import -A /home/moi/Musique pour tout importer d'un coup... mais disons qu'un jour il vous faudra lire sa documentation.

Beets comme source de playlists

Quand on cherche dans Beets (beet ls) il peut nous donner les résultats sous la forme d'une liste de fichiers, en précisant -f '$path'. Autrement dit : il peut générer une playlist. Surtout avec beet random, qui choisit aléatoirement un titre parmi les résultats d'une recherche. Nous allons donc l'intégrer comme un protocole Liquidsoap.

Qu'est-ce qu'un protocole ? Par exemple quand on écrit playlist("http://live.campusgrenoble.org:9000/rcg112.m3u") le protocole c'est http. Nous allons ajouter un protocole qui s'appellera beets, qui appellera beet random. Par défaut beet random ne sélectionne qu'un titre, mais en utilisant l'option -t N il peut en sélectionner plusieurs, totalisant au plus N minutes. On pourra donc générer presque une heure de playlist "tournante", toutes les heures, en appelant playlist("beets:-t60", mode="normal", reload=3600). On précisera normal car par défaut playlist parcoure la playlist aléatoirement, or l'aléa est déjà assuré par beets random.

Liquidsoap permet d'ajouter un protocole en lui donnant un petit nom et une fonction qui décidera que faire de ce qu'il y a après le : qui suit le nom du protocole. Pour ce qui nous intéresse, on peut définir cette fonction puis appeler add_protocol ainsi :

def beets_protocol(~rlog,~maxtime,arg) =
  tmp_playlist = file.temp("beetsplaylist", ".m3u8")
  ignore(get_process_lines(
    "/home/martin/beets/bin/beet random -f '$path' #{arg} > #{tmp_playlist}"
  ))
  [tmp_playlist]
end
add_protocol("beets", beets_protocol)

Dans la fonction, remplacez /home/martin/beets/bin/beet par le chemin complet chez vous (affiché par la commande which beet). A part cela vous pouvez utilisez la fonction telle quelle, mais elle mérite quelques explications :

• Notre fonction s'appelle beets_protocol ; Liquidsoap impose que les fonctions d'interprétation des protocoles aient les arguments ~rlog,~maxtime,arg, même si on ne va se servir que d'arg.
• La playlist sera générée dans un fichier temporaire, tmp_playlist, qui d'après ce qu'on a donné à file.temp va ressembler à /tmp/beetsplaylist***.m3u8.
• ignore(get_process_lines( sert à appeler un programme, comme en ligne de commande.
• on appelle beet random.
• -f '$path' veut dire qu'on demande à Beets de lister chaque résultat par nom de fichier.
• arg est ce qui est après les : quand on utilise le protocole. Par exemple si on écrit playlist("beets:-t60 genre:Rock"), alors arg contiendra -t60 genre:Rock.
• > #{tmp_playlist} redirige la sortie de beet vers le fichier dont le nom est dans tmp_playlist (donc le /tmp/beetsplaylist***.m3u8).
• [tmp_playlist] est une liste qui ne contient qu'un élément : le nom du fichier temporaire. Et comme c'est la dernière instruction de la fonction, c'est cette liste qui sera retournée par la fonction. C'est donc depuis ce fichier que Liquidsoap va effectivement charger la playlist.
• add_protocol("beets", beets_protocol) est l'instruction à partir de laquelle toute les requêtes commençant par beets: seront tranmise à notre fonction beets_protocol.

Si on laisse tourner longtemps un script utilisant ce protocole, on va finir par remplir /tmp de nos playlists temporaires. Ce n'est pas très pratique alors ajoutons aussi une fonction qui va régulièrement faire le ménage :

exec_at(freq=3600., pred={ true },
  fun () -> list.iter(fun(msg) -> log(msg, label="nettoyeur_playlists"),
    get_process_lines("find /tmp -iname beetsplaylist*m3u8 -mtime +0 -delete"),
  )
)

A partir de là, on peut donc faire une source infinie de musique aléatoire avec playlist("beets:-t60", mode="normal", reload=3600). Mais en fait cette boucle musicale n'est pas vraiment suffisante :

• beets random -t60 génère une liste dont la longueur maximale est de 60 minutes, souvent il ne trouve pas de quoi boucher les dernières minutes/secondes. Par conséquent, si on ne la rafraîchit que toutes les heures, le premier morceau risque de rejouer en fin d'heure.
• En plus, sur le long terme les morceaux courts vont être joués plus souvent que les autres car ce sont les seuls avec lesquels Beets parviendra à boucher les fins de playlists.

Pour éviter ceux deux désagréments vous pouvez augmenter le 60 ou réduire le 3600 ... ou bien alterner régulièrement avec d'autres playlists. Comme on l'a vu dans l'article précédent, avec random on peut passer d'une playlist à l'autre (tout, francophone, récent, etc.).

Quelques exemples de playlists en beets:

Les chansons francophones peuvent être sélectionnées avec language:fra, qui fait une recherche dans Beets en filtrant les pistes taggués fra dans le champ language.

Il y a d'autres champs, notamment genre ; on pourrait générer une heure de rock avec playlist("beets:-t60 genre:Rock"). Attention genre:Rock recoupe aussi Indie Rock, Punk Rock... Vous pouvez tester vos sélecteurs beets en essayant directement depuis la ligne de commande, en tapant par exemple beets random -f '$genre $path' -t60 genre:Rock (on ajoute $genre au -f pour voir ce qu'il contient vraiment). Ou encore avec la commande de recherche habituelle: beet ls genre:Rock.

Il y a aussi des champs "techniques", par exemple added qui est la date d'ajout du titre dans Beets. On peut s'en servir pour retrouver les titres ajoutés il y a moins d'un mois avec added:-1m.., ou encore il y a moins de 7 jours avec added:-7d.. Il y a plein d'autres possibilités, tous ces critères peuvent être combinés et vous pouvez aussi tagger avec vos propres champs. Vous aurez donc de quoi créer des sources Liquidsoap qui piochent très précisément dans votre librairie.

Les informations sur un titre dans Beets vont au-delà des tags ID3. Pour voir tout ce que stocke Beets sur un titre (par exemple, un classique de Jimi Hendrix) tapez

beet info -l All along the watchtower

Mais ces informations ne tombent pas du ciel. Elles seront bonnes si Beets a réussi à recoller les titres avec MusicBrainz... ce qui dépend du temps que vous avez passé à l'importation. Vous préfèrerez peut-être le plug-in suivant.

drop2beets

Beets est conçu pour importer des albums complets, et vérifie/corrige les tags de toutes les pistes en commençant l'import par une recherche dans MusicBrainz. Ce niveau de rigueur peut coûter cher en temps, et en radio on va plutôt utiliser des singles, qui s'importent avec l'option -s de beet imp. Pour faire plus rapide, j'ai créé un plug-in Beets qui importe un fichier dès qu'il est déplacé/copié dans un répertoire de votre choix. Oui, c'est tout à fait inspiré de la dropbox Rivendell développée par feu Tryphon.

Avec ce plug-in il est possible, en écrivant un petit peu de Python, de forcer certains tags du fichier en fonction du sous-répertoire dans lequel il a atteri. Vous trouverez ce plug-in sur GitHub, et en radio asso française cet exemple correspond à l'usage qui consiste à s'assurer de l'uniformité des tags de genre et de langue.

Le plug-in Web

Beets est fourni avec un plug-in "Web", qui est une interface Web rudimentaire pour faciliter la consultation de la librairie sur votre réseau local. Les détails d'installation sont dans la documentation officielle. Il créé un serveur HTTP léger mais suffisant pour le réseau local d'une petite radio. On recommande !

Conclusion

Le script complet de la radio entamée la dernière fois, avec en plus l'intégration de Beets, est téléchargeable ici. Cette intégration n'est pas nécessaire à notre automate, et ajoute une couche de complexité à l'administration : Beets nécessite de la pratique pour importer et nettoyer une discothèque complète. Mais c'est bien pratique pour séparer le stockage et rangement de la musique de sa diffusion. A partir de là on peut génerer des playlists correspondant à des styles, artistes, années, etc.

Cet article est le deuxième d'un série sur Liquidsoap ; retrouvez tous les articles de la série ici.